Contexte et enjeux
Dans un contexte de dérèglement climatique de plus en plus marqué, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur se positionne comme l’un des territoires les plus exposés aux aléas naturels en France. Inondations, submersions marines, vagues de chaleur, mouvements de terrain et sécheresses y constituent des menaces croissantes pour les infrastructures et les mobilités. Afin de mieux anticiper ces risques et d’adapter son système de transport à l’horizon 2050, la région a lancé une étude approfondie visant à réaliser un diagnostic de vulnérabilité multi-réseaux de ses infrastructures de transport.
Cette étude s’inscrit dans le cadre du plan climat régional « Une COP d’avance II » et se veut exemplaire à l’échelle nationale. Elle fit partie intégrante de notre service data changement climatique.
Objectif
Ce diagnostic de vulnérabilité a pour objectif de fournir un socle scientifique et opérationnel solide en vue de la planification de l’adaptation. Elle repose sur la méthodologie Approche Systémique d’Adaptation des Infrastructures de Transport (ASAIT) développée par le Cerema. Cette méthodologie permet une évaluation fine des vulnérabilités physiques et fonctionnelles liées aux aléas climatiques, en lien avec les scénarios de changement climatique.
Ce diagnostic de vulnérabilité s’articule en 3 étapes majeures. Une première phase de cadrage et de gouvernance avec comme objectif de collecter des données. Une seconde phase qui consistera à la réalisation du diagnostic de vulnérabilité physique et fonctionnelle. Puis, une troisième phase qui aura comme but la planification de l’adaptation et mise en œuvre multi-acteurs.
Phase 1 : Cadrage, gouvernance et collecte des données
La première phase du diagnostic de vulnérabilité a permis de poser les fondations techniques, méthodologiques et partenariales du projet. Elle a débuté par un cadrage stratégique mené avec les services de la Région, les gestionnaires d’infrastructures (SNCF Réseau, DIRM Méditerranée, DIR Méditerranée, VNF, gestionnaires aéroportuaires) et les services de l’État.
Les périmètres d’étude ont été précisés pour couvrir les grands réseaux de transport structurant la région :
- Réseau routier structurant (routes nationales, autoroutes concédées ou non)
- Réseau ferroviaire (lignes régionales et nationales)
- Réseau fluvial (notamment le Rhône)
- Réseau maritime (ports régionaux, interfaces littorales)
- Réseau aérien (infrastructures aéroportuaires majeures)
En parallèle du cadrage stratégique, une typologie des aléas climatiques pertinents a été construite. Elle comprend notamment les indicateurs suivants :
- Inondations fluviales,
- Les crues rapides,
- Les mouvements de terrain,
- Les tempêtes,
- Les vagues de chaleur,
- Les feux de forêt, les sécheresses,
- La submersion marine,
- Le retrait-gonflement des argiles.
La collecte de données a mobilisé une grande diversité de sources : inventaires d’infrastructures, bases de données techniques, diagnostics locaux, surtout des projections climatiques à partir des modèles Drias, Explore2 et CMIP6. Cette richesse d’information a été structurée dans un référentiel commun, permettant d’établir les bases du futur diagnostic de vulnérabilité.
Un travail important de sensibilisation a également été mené auprès des acteurs techniques et institutionnel. Cette sensibilisation à pour but de les impliquer dans une gouvernance coopérative de l’étude. Cette mobilisation est essentielle pour assurer la continuité de l’action au-delà de la phase de diagnostic.
Phase 2 : Réalisation du diagnostic de vulnérabilité physique et fonctionnelle
La deuxième phase du diagnostic de vulnérabilité s’appuie sur la méthodologie ASAIT du Cerema. Elle permet de croiser les caractéristiques des infrastructures avec l’évolution attendue des aléas climatiques. Ce croisement de données à pour objectif de produire une cartographie du risque à l’échelle régionale.
Le diagnostic distingue deux types de vulnérabilité :
- Vulnérabilité physique : elle concerne les dommages structurels subis par les infrastructures en cas d’exposition à un aléa (par exemple, affaissement de talus, corrosion, déformation de chaussée).
- Vulnérabilité fonctionnelle : elle mesure la perte de service liée à l’aléa (ex : interruption du trafic, impossibilité d’accéder à un port ou un aéroport, coupure de ligne ferroviaire).
Chaque infrastructure est modélisée en composants techniques (chaussées, ouvrages d’art, caténaires, emprises, équipements), qui sont ensuite analysés au regard :
- De leur exposition aux aléas projetés à l’horizon 2050 selon deux scénarios climatiques (stabilisation modérée ou forte dégradation)
- De leur sensibilité structurelle
- De leur criticité fonctionnelle dans le système de transport régional
Le croisement de ces dimensions permet de produire un niveau de risque climatique par tronçon ou par nœud d’infrastructure. Ce scoring est ensuite agrégé pour identifier les zones prioritaires nécessitant une adaptation rapide.
Ce diagnostic de vulnérabilité a permis de révéler des points critiques sur l’ensemble des réseaux :
- Des zones littorales où les infrastructures sont menacées par la submersion marine ou l’érosion côtière
- Des passages en zone inondable non protégée
- Des lignes ferroviaires sensibles au retrait gonflement des argiles
- Des équipements aéroportuaires exposés aux vagues de chaleur prolongées
Le résultat est une vision cartographique et argumentée des risques climatiques à venir. Celle-ci, constitue un outil d’aide à la décision puissant pour la planification.
Phase 3 : Planification de l’adaptation et mise en œuvre multi acteurs
À partir du diagnostic de vulnérabilité, une feuille de route d’adaptation a été co-construite avec les gestionnaires d’infrastructures, les autorités organisatrices de la mobilité et les services déconcentrés de l’État.
Cette stratégie d’adaptation comporte plusieurs volets :
- Priorisation des investissements : les infrastructures les plus exposées et les plus critiques font l’objet d’un traitement prioritaire. Cela permet de sécuriser en premier lieu les tronçons à fort enjeu socio-économique.
- Identification de solutions d’adaptation : selon les cas, il s’agit de renforcement structurel (ex : rehaussement, blindage), de gestion du ruissellement, de choix de matériaux plus résistants, ou de dispositifs de gestion de crise et d’alerte.
- Évaluation financière préliminaire : un chiffrage estimatif des mesures d’adaptation est proposé pour les phases ultérieures de programmation budgétaire.
- Calendrier de mise en œuvre : des horizons courts, moyens et longs termes sont définis pour échelonner les actions.
- Indicateurs de suivi : un tableau de bord permet de mesurer la progression de la mise en œuvre et d’ajuster les priorités.
L’approche partenariale a été renforcée à cette étape par l’animation d’ateliers multi-acteurs. Cette approche permet de confronter les priorités territoriales avec les résultats du diagnostic technique. Cette démarche collaborative garantit une meilleure appropriation des enjeux et une efficacité opérationnelle accrue.
Résultats attendus et perspectives
Cette étude constitue la première démarche de ce type en région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Elle permet de disposer :
- D’un diagnostic de vulnérabilité complet, à jour et territorialement différencié ;
- D’un cadre partagé pour la priorisation des investissements d’adaptation ;
- D’un référentiel commun entre les acteurs publics, facilitant la coordination des actions ;
- D’un socle d’aide à la décision pour la contractualisation des futurs contrats de plan, fonds européens ou dispositifs de financement spécifiques.
Elle ouvre la voie à la mise en œuvre d’un plan d’adaptation multi échelles pour sécuriser les infrastructures et garantir la résilience des mobilités régionales. À terme, la démarche a vocation à être reproduite dans d’autres régions françaises confrontées à des aléas similaires.
Conclusion
Le diagnostic de vulnérabilité mené sur les infrastructures de transport de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur constitue une étape structurante. En effet, il devient un élément clé dans anticipation des effets du changement climatique et guider les politiques d’adaptation. Grâce à une méthodologie rigoureuse, un partenariat large et des données climatiques actualisées, cette démarche permet d’identifier les points critiques du réseau et de construire une stratégie d’adaptation cohérente, priorisée et opérationnelle.
Ce travail ne se limite pas à une photographie de l’existant. Il fournit des leviers concrets pour renforcer la résilience des mobilités régionales, assurer la continuité des services publics en contexte de crise climatique et sécuriser les investissements à long terme. Il marque également un tournant dans la façon dont les collectivités territoriales peuvent aborder la transition climatique de manière systémique.
Ce diagnostic de vulnérabilité positionne la région Sud comme un territoire pilote de la transition climatique dans le secteur des transports. Cela est dû à une approche intégrée, scientifique et territorialisée des risques et des solutions.